• De l'égalité des chances lors du recrutement

     Le concours est la voie royale pour être recruté dans la Fonction Publique. Cela vous a été répété, rabâché, remâché, dans un premier temps par vos profs de fac qui ne savaient pas qu'une vie différente pouvait exister au-delà des murs de l'Université et, dans un second temps, par votre premier employeur public, celui qui vous aura exhibé un CDD de un an non renouvelable à l'autre bout de la France. Le concours est réputé pour être une garantie d'égalité entre candidats, un principe républicain vénéré qui fait du néo-lauréat, un agent dorénavant ultra-compétent et performant (surtout dans le culture !) alors que, 24 heures plus tôt, le novice devenu conservateur confondait encore le distributeur de Coca de son futur musée avec un Vermeer.

    Voilà la théorie et nous détaillerons l'imbécilité des concours dans une autre contribution. En matière de recrutement, l'exercice fait intervenir deux institutions : une collectivité locale et la préfecture avec son Contrôle de Légalité. Les collectivités n'ont pas le droit de recruter en dehors des clous républicains, ceux plantés par le concours. Pourtant, elles se servent dans un vivier inépuisable où s'entassent chômeurs et autres précaires prêts à se tondre le torse grâce à une pince anglaise pour quelques ronds et surtout pour l'espoir d'intégrer la Fonction Publique. Mais les mandarins font ce qu'ils veulent. Le meilleur moyen, un peu sadique, est de rechercher les offres d'emploi bidonnées, arrangées, cousues pour les favoris des élus et autres notables de la Direction Générale d'une collectivité.
    C'est un fait, quand vous candidatez, quand vous espérez que votre profil va séduire, quand vous vous dîtes justement que l'avenir va se démêler car votre prétention épouse les compétences et le profil exigés, retenez-vous pour ne pas tomber dans l'illusion puis la désillusion ou pire, le dégoût et le découragement.

    Beaucoup d'annonces sont pipées, arrangées en faveur de candidats déjà en place que l'on souhaite promouvoir afin de faire plaisir à un élu ou encore à un ami.

    Le premier indice est l'ampleur de la diffusion de l'offre d'emploi. Lorsqu'une collectivité a une place vacante, elle doit faire une publicité minimum ; la loi l'y contraint. Pour cela, le Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale, l'antenne départementale, doit en être informée car c'est à lui qu'incombe la tâche de diffuser la proposition. Une fois sur deux, cette antenne locale n'a pas de site web et, lorsqu'elle en a un, l'agent chargé d'actualiser les annonces ne sait pas le faire !
    Le second indice réside dans la lecture de l'annonce, les spécificités demandées. Car, là encore, lorsqu'une collectivité souhaite restreindre le nombre de candidats, elle énonce des compétences très rares que seul l'autochtone pressenti et voulu possède. Par exemple : « Avoir soutenu une maîtrise sur de l'art mandchoue de la basse vallée du Yu entre 1240 et 1321 ET avoir eu une expérience au sein du Musée de l'Homme de février 1998 à mars 2001 (sinon, c'est pas la peine de postuler) ».

    A titre d'exemple, voici les profils requis pour deux postes de conservateurs aux missions très distinctes et devant œuvrer dans un même parc naturel (les fautes « demanière » « établissment » est d'origine):

    Profil souhaité:
    Posséder une expérience dans la conduite scientifique d'un établissement muséal, la réalisation d'expositions, ainsi que dans la gestion de collections. Il présentera des connaissances en sciences humaines et sociales. Le candidat aura participé demanière significative à des actions d'animation de politique territoriale. Il aura le sens du travail en équipe et des relations humaines. Une bonne pratique des outils informatique est exigée. Une expérience dans la direction d'établissment sera appréciée.

    Maintenant, voici un autre profil requis pour un autre poste de conservateur dans la même structure :

    Profil souhaité:
    Posséder une expérience dans la conduite scientifique d'un établissement muséal, la réalisation d'expositions, ainsi que dans la gestion de collections. Il présentera des connaissances en sciences humaines et sociales. Le candidat aura participé demanière significative à des actions d'animation de politique territoriale. Il aura le sens du travail en équipe et des relations humaines. Une bonne pratique des outils informatique est exigée. Une expérience dans la direction d'établissment sera appréciée.

    Bien que les missions pour ces deux postes soient différentes, le profil exigé est le même. Mais le doute reste, car on peut mettre cette homologie des profils sur le dos du service des ressources humaines suspecté de ne pas vouloir se creuser la citrouille pour rédiger des profils distincts.

    Autre exemple, aussi éloquent que minable. Une grande collectivité recherche un archéologue. Pas n'importe lequel. Il suffit de lire le profil exigé :
    - formation universitaire Bac+5, DESS ou MASTER II, en sciences et techniques de la terre appliquées à l'archéologie,
    - expérience indispensable en archéologie urbaine, en particulier préventive,
    - maîtrise des techniques de la topographie et de la photographie zénithale,
    - maîtrise des logiciels de SIG, de SGDB et de DAO ainsi que des outils de transfert des données topographiques,
    - formation spécifique en matière de sécurité et prévention dans les travaux publics,
    - connaissances de la législation de l'archéologie,
    - bonne connaissance des acteurs de l'archéologie nationale et si possible régionale (service de l'état, collectivités territoriales, universités, associations...),

    Ici, le candidat peut être un débutant, donc sans expérience, mais doit forcément en avoir eu une en archéologie urbaine et plus particulièrement en archéologie préventive ; doit être un as pour la manipulation des outils informatiques ; doit être au fait de la législation en archéologie et avoir eu une formation spécifique en sécurité et prévention dans les travaux publics. Je vous fais grâce du reste de l'annonce tout aussi éloquent et délibérément contingentant.

    Un détail pour cette annonce : non seulement le concours n'est pas demandé mais, en plus, le poste est à pourvoir rapidement. Au 1er juillet.... L'année universitaire se terminant, un prof travaillant avec ce service d'Archéologie aurait-il un étudiant à placer selon ses accointances avec le directeur(trice) du service ? Heureux sera le candidat pré-choisi. Mais, tristes voire désespérés seront ceux qui y auront cru et qui auront claqué un max de pognon et consumé des kilos d'espoir pour tenter de convaincre un jury aux ordres et souvent amusé.

    Si vous répondez à une annonce bidon, que risquez-vous ? Rien car vous rendez service à la collectivité pour qui la proposition d'emploi aura été fructueuse et lui aura permis d'organiser un vrai-faux recrutement. En revanche, selon votre lieu de vie, vous perdrez du temps et surtout du blé. Beaucoup de blé car il faut prendre le train, se loger et bouffer. Et peu de collectivités sont suffisamment scrupuleuses pour penser à ces gens qui vont se déplacer avec l'espérance de rafler au minimum un an de répit dans leur chômage.


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