• Omnipotence

    Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!

    Comment naissent les grands projets culturels en France ? Tout bonnement, grâce au choix d’une assemblée réunie pour l’occasion, le saint Jury de concours.

    Qu’est-ce qu’un jury de concours ? Généralement, une quinzaine de bons hommes (plus rarement des femmes) sont invités à donner une opinion ultime sur des propositions  architecturales que le maître d’ouvrage (la Collectivité) a commandées. Parmi tous les projets en compétition, un seul sera retenu et deviendra un musée, un centre culturel, un théâtre..etc. Mais, avant d’en arriver à cette étape ultime et décisive qui engage parfois les collectivités sur des projets chiffrés à plusieurs dizaines de millions d’euros, le maître d’ouvrage diligente une expertise des différents projets en compétition. Une Commission technique composée d’experts (paysagistes, environnementalistes, ingénieurs,…) est alors rassemblée pour analyser les offres. Sans les noter ou les classer, les experts épluchent, cisaillent, découpent chaque projet en en identifiant les points forts et faibles. Sur la base de ces travaux, la commission technique rédige une synthèse sur laquelle le Jury de concours pourra s’appuyer fortement, voire totalement pour choisir le lauréat du concours. Ce processus peut exiger plusieurs mois et des dizaines de paires d’yeux aguerris à l’exercice. Vient alors le jour du jury de concours réuni pour la seule occasion du choix final et dont les membres n'ont pas encore vu les projets en compétition.

    Ce jury de concours auquel j’ai assisté m’a permis de relativiser, voire d’effacer mes illusions quant à l’objectivité du choix des z’élus et leur engagement sincère pour le bon usage de l’argent public (et aussi quant à l'utilité de mon boulot). Aussi, après des mois d’efforts à se crever les yeux, à s’étriper, à s’arracher les viscères (et celles du voisin à l’occasion), la commission technique rendît ses conclusions pour trois projets dont le montant global était supérieur à plusieurs millions d’euros (bien plus même !). Le grand jour est là, le Jury de concours est réuni. Parmi ces gens siégeant dans ce jury, choisis sur des critères aussi subjectifs que postiches, se trouve notamment un homme que la République a appelé plusieurs fois à Paris.

    Premier moment aussi solennel que poignant, le responsable de projet récite, avec un talent d’orateur égal à celui d’un bigorneau pris de torpeur face à un bavarois en short qui va le piétiner, les conclusions de la commission technique pour chaque projet pendant que les quinze sages docilement posés sur leurs chaises entament leur premier cycle de sommeil. Après près de deux heures de dissertation verbale abrutissante, le jury est invité à se lever pour observer de près les panneaux résumant chaque projet. Inutile d’aller plus loin dans le détail de la situation : tous ces jurés assiéront leurs jugements définitifs sur une image anodine, un simple visuel, une vue d’artiste résumant les projets respectifs. D’ailleurs, aucun n’a pris le soin d’ouvrir le rapport qui se trouvait sur leurs tables.

    Après quinze minutes de déambulation, tout le monde regagne sa place, mettant fin à des conversations axées sur les dimensions du coffre de la dernière Laguna Renault ou encore celles du bas de caisse de la jeune serveuse du resto de midi. Dans un silence de cathédrale uniquement dû aux mécanismes de la digestion, chacun est appelé à livrer son choix en argumentant si l’envie est là (« sinon, pas la peine, c’est pas obligatoire ! » indique le Président du Jury). Vient le tour de Notre Haut Z’élu, jusque-là silencieux, qui fait un sort à l’un des projets, pourtant probablement le meilleur. J’eus la chance d’apercevoir l’argument imparable rédigé sur un bout de feuille blanche par ce personnage pourtant respecté nationalement. Nous avions trimé pendant deux mois pour recevoir, au bout du compte, un uppercut de haute volée intellectuelle honorant notre travail : « Trop ver, j’aime pas ! ». La faute d’orthographe était dans le texte, l’argument pas plus développé que cela. Et voici comment, la collectivité s’engagea sur un projet bancal après avoir écarté probablement le meilleur qui fut présenté par des architectes et vraisemblablement le plus sûr pour le porte-monnaie de tous.

    Peu de temps après, dans un restaurant, j’entendis un enfant de 8 ans répliquer à sa maman qui voulait lui faire avaler des épinards : « Trop sales, j’aime pas ! ». Les z’élus sont de grands enfants.

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  • Commentaires

    1
    antirouille
    Lundi 12 Avril 2010 à 11:47

    Ca fait peur mais en même temps, cela pourrait expliquer certaines décisions... !

    2
    hergeloffeni
    Dimanche 2 Mai 2010 à 16:57
    Le livre est génial!
    3
    Antirouille
    Jeudi 6 Mai 2010 à 16:30

    Cela n'a rien à voir avec l'article, mais avec le site de l'Eloge de la Pipeautique. Je viens de constater que le site n'existe plus. J'aimais bien, cependant, cela faisait longtemps que l'accès en avait été restreint. Dommage.

    4
    unjourPE
    Lundi 26 Juillet 2010 à 13:48

    Et bien je suppose que c'est la fameuse Zoé Shepard qui fait tant transpirer nos Z'élus. J'aimais bien son blog aussi. Je crois que je vais acheter son bouquin.

    5
    Samedi 26 Novembre 2011 à 09:24

    I liked this post very much as it has helped me a lot in my research and is quite interesting as well. Thank you for sharing this information with us.

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