• Bienvenue dans le monde des musées !

     Qui dit musée, dit aussi « gestion de son personnel » ! Mais ce que personne ne dit, ce que tout le monde cache comme la vérité sur la mort de Napoléon ou l'existence des extra-terrestres, c'est que le musée est généralement un placard géant pour agents refoulés dont la Collectivité a honte et qu'elle ne veut surtout plus exposer au public pour protéger sa vraie-fausse image dynamique. En les rangeant dans un musée comme dernier recours, son jeune et enthousiaste responsable ne se doute pas un instant du cadeau empoisonné qui lui est fait.

    - La DRH (la Direction pour la Réanimation et la Hantise des agents) : « On t'envoie Eliane, fais-lui faire ce que tu peux ! »

    - Le Conservateur (pour l'avenir et par économie limitons-nous au simple acronyme « Con » = Conservateur Obéissant et Naïf) : « Que sait-elle faire, d'où vient-elle, de quel service et qu'a-t-elle fait pour débarquer dans un musée ? Et puis, je n'ai besoin de personne, j'ai déjà sept agents !» .

    - La DRH : « C'est une personne courageuse qui a connu des difficultés dans son parcours mais a toujours fait montre d'une abnégation résolue pour retrouver la bonne voie sur laquelle nous l'encourageons avec constance».

    C'est une règle élémentaire dans la Fonction Publique : d'une manière générale, plus la DRH est élogieuse à l'égard d'un agent, plus le piège et le mensonge collectif sont gros. Le jeune Con ne se doute pas du bateau dans lequel il a embarqué croyant être venu pour conserver des collections et se retrouvant à garder des agents en voie de fossilisation, le cerveau déjà entièrement minéralisé, en tous cas la portion réservée à la compréhension des missions professionnelles. Il ne se doute pas que ces agents sont bien moins naïfs que lui et qu'au premier faux-pas, plainte, complaintes et pétitions appuyées par des syndicats s'accumuleront dans son dos. Et oui, c'est important : les agents sont tous syndiqués, bel alibi pour leur permettre d'être protégés par les représentants de la Lutte Finale et les rendant suffisamment intelligents pour savoir bâillonner la Direction générale qui ne veut surtout pas, surtout pas, de mouvement social grâce à un chantage silencieux reposant sur la peur du Maire et du débauchage collectif à la prochaine élection !

    A l'arrivée de Eliane dans mon musée, petit dame affable aux cheveux blancs et aux allures de grand-mère gâteau, la première rencontre se fait dans le bureau pour lui souhaiter la bienvenue, lui présenter l'équipe et lui expliquer le fonctionnement du service. Eliane ne dit aucun mot, excepté :

    - « J'ai pas l'droit de m'servir d‘mon bras gauche, c'est le médecin du travail qui dit... ! »

    Le service, elle s'en fout ; quant à l'équipe, tout le monde se connaît déjà et se congratule de ces retrouvailles inespérées. Forcément, ces agents, à force de stagner dans leur collectivité, se sont déjà côtoyés dans d'autres services où ils ont laissé des souvenirs qui pour eux sont des actes légendaires et pour les autres, ceux qui travaillent, sont des histoires comiques que l'on sa raconte autour d'un café tout en souhaitant du courage au Con.

    Eliane ne sait pas faire de conservation, et ne veut pas en faire. Eliane ne se souvient pas de sa table de multiplication de 1 ; je ne peux donc pas la mettre en contact avec des enfants au risque qu'elle ruine 10 ans de travail homérique de l'Education Nationale. Eliane ne veut pas surveiller les salles (« c'est ennuyeux ! ») et ça je le conçois. Eliane, à cause de son bras gauche, ne peut pas participer au montage des expos. En revanche, Eliane peut utiliser son bras droit pour téléphoner. Et ça tombe bien puisque Eliane est droitière !!!

    Un soir, le Con sort de son musée que ses agents ont déserté depuis plus de deux heures. Il va « aux commissions » et tombe sur Eliane chargée comme une mule à transporter des paquets de lessive, de litière pour chat et autres boîtes de conserves. Heureusement, Eliane a retrouvé l'usage de son bras malade ! Pour cela, je lui témoigne mon bonheur devant ce miracle. Eliane, loin d'être conne après avoir passé des années à se triturer le bulbe pour imaginer des subterfuges la dispensant de travailler, sent le danger grâce à son sixième sens de tir-au-flanc. Mais sa diversion s'effrite. Pour se défendre, elle répond ........... qu'elle n'est « pas au boulot et que, par conséquent, elle a le droit en dehors des heures de travail d'utiliser son bras !! »

    De mon côté, je me rends compte que je suis définitivement con. Je n'avais pas prévu cet argument imparable. Effectivement, lors d'un rendez-vous bidon hebdomadaire, comprendre une réunion de service avec la Direction générale, je fais état de ma découverte fortuite auprès de ma supérieure hiérarchique, la DGA (Directrice Groggy Anesthésiée) responsable du service LECULCROC en charge des Loisirs, de l'Enfance, de la Culture et de la gestion des Crotinnettes pour Chiens. Loin de s'en étonner, la DGA s'offusque.... et c'est tout !

    Cher Con, bienvenue dans le monde de la Fonction Publique Territoriale!



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  • Commentaires

    1
    Dimanche 9 Mars 2008 à 16:09
    Sacrée Elianne!
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    2
    Audreyv
    Vendredi 9 Mai 2008 à 11:31
    Cher Meilhac, merci pour ce blog qui va certainement me sauver la vie! Je viens de finir mes études de Master 2 dans la culture et je me demandais si j'allais passer les concours, avec réticence parce que je pressentais ce que vous avez confirmé! Je laisse donc tomber parce que je n'ai pas envie de travailler avec une équipe de bras cassés (un de mes profs qui avait été directeur de musée nous avait déjà fait part d'expériences similaires avec une de ses agents qui faisait de la magie noire contre lui, et il avait appris que les agents qu'il avait au musée (il s'inquiétait de leur manque total de motivation) était en fait les dames qui avaient travaillé dans les cantines scolaires et qui avait volé de la nourriture, elles étaient donc punies au musée! ) Donc merci, et même si je mange des pâtes toute ma vie, vive le privé!!
    3
    Meilhac Profil de Meilhac
    Mercredi 4 Juin 2008 à 09:42
    A Audrey
    Ne te trompe pas Audrey. Passe tout de même le concours même si celui-ci n'est ni une garantie de compétences et réussite professionnelle et personnelle. Tu peux très bien tomber dans un musée géré parfaitement avec de l'ambition dans son programme culturel et pédagogique. En revanche, tu peux aussi être recrutée par une collectivité qui n'aura aucune autre ambition que de faire de son musée une institution recyclant les agents dont elle ne sait pas quoi faire par ailleurs.
    Si c'est vraiment ce que tu as envie de faire, fonce mais sans trop d'illusions. En revanche, il faut aussi savoir où l'on tombe. La culture, comme toutes les autres branches du Public, et même certains secteurs du Privé, n'est pas épargnée par les maux. Dans une collectivité, tout n'est que question de volonté et donc de courage. Et là, ce sont les élus qui entrent en jeu.
    Et si tu n'as vraiment pas envie de bosser dans le Public par crainte de ne pouvoir t'y accomplir, fais de la scéno/muséo ou bien de la médiation culturelle pour une boîte privée.
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