•  Pour ceux qui mènent les visites de leurs expositions, je ne parle pas des conservateurs en chef pour qui se mêler aux crotteux et galeux et partager quelques connaissances est une incongruité sociale indigne voire une faute professionnelle laissée aux humbles animateurs et médiateurs, donc pour ceux qui assurent les visites de leurs expos, il a bien dû leur arriver de constater l'hétérogénéité d'un groupe de visiteurs et la rémanence façon Star'Ac de certains personnages.

    Dans l'univers feutré des musées, lorsque l'on évoque un groupe, on pense immédiatement aux retraités en goguette que les tours opérateurs traitent comme des troupeaux transhumants ensorcelés par la promesse de buffets gastronomiques à volonté alternés avec des visites d'ateliers artisanaux de fabrication de sabot. Durant le séjour touristique, au moins deux musées doivent apparaître mais point trop n'en faut et surtout, pas trop longtemps (une heure maximum). Ainsi, lorsqu'un tour opérateur évalue un musée pour l'insérer dans l'itinéraire de sa transhumance, il ne s'émeut pas de la thématique mais insiste sur des critères fonctionnels propres à sa clientèle :

    - la distance entre l'arrêt de bus et l'entrée du musée pour prévenir la fatigue des déambulateurs

    - l'existence de toilettes aménagées pour les vessies très vulnérables de ses clients parfois incontinents (mais pas toujours !)

    - la quantité de sièges dans l'exposition pour les séants moelleux de Raymonde et Robert

    - la possibilité de trouver un restaurant à proximité du musée (avec buffet à volonté pour les retraités gloutons).

    En général, la personne qui représente le tour opérateur tient aussi le rôle le guide et vient s'assurer que le musée rassemble tous ces critères de confort pour les prostates sensibles. Vous lui proposez un guidage de l'exposition ? Idée absurde et licencieuse puisque c'est lui qui conduira la visite. C'est une charge de moins dans le coût global de la visite et peu importe la qualité et la justesse des propos de cette personne autopromue experte, les retraités des Charbonnages de France n'y verront que du feu et ne pourront poser aucune question à cause du minutage très serré. Je pourrai revenir dans une prochaine contribution sur les tours opérateurs, leurs méthodes et leur morgue pour leur bétail.

    Un groupe de visiteurs (environ 25/30 personnes) est hétéroclite avec quelques profils que l'on retrouve régulièrement. La majeure partie est composée de personnes modérément intéressées, débarquant dans le musée par hasard avec cependant l'espoir, ou le doute, d'y être  captivées. Au bout de quelques minutes, plus de la moitié d'entre-elles acquiert la certitude que leur concentration ne restera pas envoûtée par les paroles du guide. Aussi, ces visiteurs gardent leurs yeux vitreux hypnotisés braqués sur l'accompagnateur alors que les paupières deviennent lourdes, très lourdes. En revanche, la moitié inférieure du visage s'anime de  spasmes qui trahissent des bâillements souvent mal ou absolument pas étouffés. Petit à petit, ces gens désertent le groupe et vont retrouver les copains restés plantés à l'entrée pour discuter de la frugalité honteuse du repas de la veille.

    Un groupe possède toujours son amuseur, celui qui suppose pertinent de lancer un « poil au nez » alors que l'on souhaite la « bienvenue dans le musée » et qui pouffe façon Philippe Bouvard lorsque le guide, en fin de parcours, espère que la visite a plu. Ce personnage n'est jamais vindicatif, paradoxalement reste même sympathique car, le plus souvent, il respecte  le travail du guide.

    Le deuxième personnage est le grognon, légèrement misanthrope, voire guidophobe. C'est sa femme qui l'a forcé à participer au voyage organisé. Il décide de faire payer sa présence contrainte au guide en marmonnant ou en ricanant des informations qu'il entend et qu'il juge systématiquement idiotes et dérisoires. En revanche, il n'intervient jamais publiquement, préférant la lâcheté comme rempart contre toute réprimande polie du guide.

    Et puis, il y a celui-qui-sait-tout, ou plutôt qui a la certitude de savoir mais dont les semonces tombent souvent à plat. Celui-ci regarde chaque jour Questions pour un Champion ou Qui veut gagner des Millions. Devant son téléviseur, il passe toutes les étapes avec succès, est millionnaire tous les soirs sans  toujours recourir à un ami ou au 50/50. Enhardi par ses résultats audiovisuels, la télé lui accorde la conviction d'être une sommité. Néanmoins, ses interventions fondent comme bouse au soleil car hors-sujet ; en revanche, il gardera toute son autorité auprès de ses copains de voyage assurés que le guide s'est fourvoyé et qu'il n'a pas osé l'avouer devant tant de connaissances encyclopédiques labélisées par Julien Lepers.

    Enfin, le dernier personnage, le plus discret de tous, est celui qui sait vraiment, celui qui a LA question imparable ou la remarque ultra-pertinente qu'il cultive innocemment dans son mutisme depuis le début de la visite sans être conscient qu'il va poser une colle qui renverra le guide à ses études. Ce personnage sait aussi bien que vous, voire mieux. Aucune amertume contre le guide chez ce visiteur pourtant rempli de regrets. Il n'a pu profiter d'une éducation comme la nôtre, a dû travailler rapidement et très jeune. Aujourd'hui, sans parler de revanche, il se construit une culture bien plus éminente et moins classique que celle d'un conservateur en chef.

    Très modeste, ce personnage vient discuter presque toujours en fin de parcours...... à condition que le responsable du groupe n'ait pas sifflé le rassemblement du troupeau pour la visite de l'atelier du dernier sabotier de France ou bien le concours cantonal de labours.

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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!Dans une collectivité, quelle qu'elle soit, les commissions rassemblant techniciens et z'élus  sont destinées à générer une réflexion qui aboutira à des propositions qui, éventuellement, si elles ont retenu l'attention d'autres z'élus lors d'un bureau politique ou d'un Conseil municipal en toute fin d'ordre du jour, aboutiront à des actions. Donc, on peut dire que les réunions de la Commission Culture, puisqu'il s'agit de celle-ci, sont complètement illusoires et inutiles à l'instar de la moitié des réunions dans la Fonction Publique Territoriale (je n'évoque pas les deux autres fonctions publiques que je ne connais pas, bien que des indices et mon instinct m'incitent à penser que....). La raison de cette inutilité réside dans la psychologie des z'élus du Conseil, ici municipal, qui considèreront d'un mauvais œil le constat et les propositions des membres de cette commission accusés d'élitisme : ils ne lui font pas confiance et pensent toujours être mieux à même de savoir précisément ce que réclame et ce dont a besoin le bon peuple.

    Parmi les nombreuses réunions de cette commission auxquelles j'ai pris part, je me souviens de l'une d'elle symptomatique des échanges prolixes et nombrilistes entre cadres culturels : directeur du théâtre municipal, directeur de l'école de musique et directeurs des musées, tout ce gotha encadré par l'adjoint à la culture. J'ai oublié de citer le directeur des archives municipales dont personne ne voulait dans sa commission. Inclassable, il était donc là par défaut, toléré car considéré comme ne faisant pas partie intrinsèquement du monde culturel ; il devait se garder d'intervenir au risque d'être éludé. Ses demandes se limitaient à quelques cartons innocents et étagères de rangement supplémentaires. Ses prétentions budgétaires étaient donc circonscrites et ne constituaient pas un danger pour les budgets des autres cadres présents. D'où la tolérance physique à son égard.

    L'adjoint à la culture (acteur dans la même troupe de comédiens que son ami directeur du théâtre) : « Faisons un pré-bilan de l'offre culturelle de la collectivité et de la participation des électeurs citoyens ».

    Le directeur du théâtre pensant que cette demande lui était naturellement et de droit destinée, s'accaparre la parole et ignore les autres : « La saison est terminée. Et quel succès populaire ! Le partage, la conscience de l'autre, l'empathie ont été les valeurs humaines de notre programmation. De ce fait, cette année, nous avons eu une troupe magnifique de comédiens bosniaques en résidence[1]. Leur création, intitulée très sobrement « La mort », rappelait le drame de ce territoire et la volonté de ce peuple à renaître. Création artistique minimaliste jouée en espéranto, les comédiens étaient nus pour exhiber l'indigence des Bosniaques pendant cette période de drame et d'incompréhension entre ce peuple et le reste du monde ».

    L'adjoint à la culture : « Création très forte bien que je n'y tîns qu'un petit rôle.... ».

    Ma pomme : « Personnellement, je n'ai rien compris ».

    Le directeur du théâtre s'exclamant : « Parfait, mais c'est justement ça l'incompréhension entre les Bosniaques et nous !! »

    Puis il reprend : « Ensuite,  nous avons eu un collectif rwandais relatant le génocide. Peuple très pauvre, les comédiens manifestaient leur désapprobation face aux multinationales, soutenues par des états riches, et venues pour nettoyer le sous-sol africain de ses richesses. Pour cela, les comédiens étaient nus afin de protester contre l'appauvrissement de l'Afrique ».

    L'adjoint à la culture : « Puissant, prenant, asphyxiant ».

    Le directeur du théâtre : « Enfin, le troisième et ultime spectacle de la saison, plus optimiste, mettait en scène la tragédie arménienne. Fort heureusement, l'histoire se termine bien si je puis dire puisque l'Assemblée nationale française a reconnu le génocide...... (rires bouffis et complices du directeur du théâtre et de l'adjoint). Bien sûr, c'était nécessaire, la nudité des comédiens était inévitable pour établir la pauvreté de ce peuple au début du XXème siècle.
    Grâce à cette programmation, la fréquentation du théâtre est en hausse. En moyenne, nous avons eu une centaine de spectateurs, soit un taux de remplissage à peine inférieur à 30 %. Pour la saison suivante, je vais être contraint de demander une augmentation du budget si l'on veut conserver une programmation aussi dynamique et ambitieuse d'un point de vue culturel. Vous admettrez tous que j'ai besoin de me déplacer pour rencontrer ces compagnies et assister à leurs spectacles avant de prendre le risque de les programmer........ ».

    Devant cette demande aussi évidente que malhonnête, cette fois-ci d'un point de vue moral et intellectuel, aucun d'entre nous n'est intervenu, surtout pas l'adjoint à la culture. Par principe, ce dernier était d'accord avec son ami. Quant aux autres, nous savions tous qu'il était dérisoire d'argumenter contre ; le Conseil municipal perdrait quelques membres à la suite d'attaques cérébrales et étouffements dus à l'ingurgitation de dentiers à la simple écoute de cette demande de théâtreux assoiffés de culture élito-exhibo-porno-bobo.

    Voici donc ce qu'est une Commission Culture. On se congratule, on se masturbe de ses succès alors que le directeur des archives municipales devra encore attendre le budget suivant pour obtenir ses cartons. Et, lorsque personne n'a rien à dire, on se désespère de la sincérité et de la motivation de la  demande culturelle, de la soif, du besoin d'art « des gens ». Tout cela se termine dans un accablement collectif du directeur du théâtre et de l'adjoint qui concluent sur l'urgence vitale de programmer une prochaine pièce sur la crise identitaire des Mongols vivant dans les bidonvilles d'Oulan-Bator et versant dans l'alcoolisme. Condition sociale et économique miséreuses, perte de repères culturels, les comédiens seront donc à poils pour figurer  l'égarement d'un peuple qui a tout perdu, même ses frusques !



    [1] La résidence n'est pas une villégiature, mais peut raisonnablement être considérée comme un squatte honorable voulu par les z'élus de la commune. En contrepartie, la troupe de théâtre invitée devra produire un spectacle nouveau joué gratuitement pour le public local. Le jour venu, docteurs, avocats, z'élus, constitueront la majeure partie du peuple présent. Entrées sur invitation exclusivement. Quelques tolérances seront néanmoins accordées aux crotteux et galleux, vrais amateurs de théâtre, qui se seront manifestés timidement et seront venus en vieille Mégane pourave juste après les commissions hebdomadaires chez Carrechour. Désolé pour ce relent bileux de lutte des classes, mais ceux-là seront en haut, derrière un poteau malgré leur amour du théâtre et viendront sans le calcul fielleux de ménager leurs relations en recourant au baise-main et lêche-b... sur la personne du Maire.


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  •  Sans le savoir, vous avez tous une idée précise de la production du Service Communication de votre collectivité. Chaque mois, grâce à votre pognon, votre boîte aux lettres en avale par kilos avant que la poubelle ne les digère. Le Service Communication est cette agrégation disparate d'agents, mêlant uniformément des personnes aux profils de geeks paumés (généralement au grade d'agents administratifs) dans une collectivité, par défaut d'avoir dégotté un poste dans une vraie boîte d'info et, d'un autre côté, des agents standard, régulièrement douchés, arrosés de sent-bon à la lavande, enveloppés dans des chemisettes défripées chromatiquement improbables et qui eux n'ont pas passé leur nuit sur Fight Big Fucker World XII. 

    En quoi consiste le boulot du Service Communication ? A faire en sorte d'assurer de laisser  apparaître la tronche du seigneur local sur chaque page, le bas du visage toujours balafré du même sourire mécanique aussi idiot que faux de type balkaniesque. En sus des images, il ne faut surtout pas omettre l'édito de Sa Majesté entièrement rédigé par un inutile du Cabinet. Voici la première cause de l'existence du Service Communication. C'est bien pour cette unique raison que le directeur de ce service est systématiquement un ami du pouvoir en place ou, au moins, un sympathisant fidèle dont on est sûr qu'il n'osera laisser passer aucune affreuseté politiquement diffamatoire, donc vraie, du genre : « Le Maire a été mis en examen » ou encore « La Cour des Comptes épluche les bilans de la collectivité ». Surtout pas. En revanche, il faut écrire en gras que « Monsieur le Maire a inauguré la déchèterie dotée de containers à compost king size», « Monsieur le Maire a remis le premier prix de Miss Comice agricole à Ginette Trocon», « Monsieur le Maire félicite la petite Aurélie Couillard pour ses résultats lors de la dictée intercommunale »...etc.

    Le Service Communication se distingue par la qualité de sa production graphique. Vous souvenez-vous des affiches anti-tabac orangées avec, en leur centre, un éléphant vu de profil en train de fumer, et qui décoraient les murs des salles d'attente de la Sécurité sociale en 1978 ? En voici un bel exemple contemporain. Le Service Communication a environ 30 ans de retard en matière de création. Pourquoi ? Parce que le Cabinet du Maire doit valider chaque production graphique et que l'on connait la pertinence des jugements esthétiques de ces éminences latrinesques sorties de Science Pot.

    Chaque fois que j'eus à faire au Service Communication, je fus surpris par l'amoncellement de talents volontairement étouffés chez les créatifs et par le zèle que déployait le directeur du service à se pâmer devant ses dernières affiches dignes de celles de la propagande chinoise vantant les actions du Parti.

    Sur l'une des affiches que j'avais demandées pour une exposition, la maison du Maire était fortuitement visible, perdue au milieu de dizaines d'autres certes, mais reconnaissable en raison de ses dimensions et du confort hollywoodiens d'apparence. Aucune prise de risque de la part du directeur craintif devant les hyènes dressées du Cabinet, la bâtisse fut « photoshopée » et gommée grâce à un pansement informatique. Quelle était la raison de cet effacement ? Surtout ne pas prêter le flanc à l'opposition politique communale suspectée d'être  possiblement prompte à utiliser cette affiche pour dénoncer la présence étouffante du Maire dans les médias locaux. Pour le coup, le zèle était partagé mais il ne fallait prendre aucun risque. Une fois finalisée (c'est-à-dire, la maison effacée), l'affiche fut validée par un mignon du Cabinet. Des dizaines d'exemplaires de cette affiche recouvraient alors les murs de la commune. Cependant, le montage était si mal accompli que des citoyens l'ont vite remarqué et se sont interrogé sur le défaut graphique de l'affiche. Chacun avait reconnu une vue de la commune et identifié l'élément manquant. Ce fut un point de discussion et de moquerie fameux contre le Maire.

    En un mot, bravo pour la qualité du travail graphique du Service Communication et félicitations aux chiottards pour la pertinence de leur vision politique. Gouverner c'est prévoir pense-t-on habituellement. Pourtant, là aussi, le facteur « Ridicule » n'avait pas été suffisamment considéré dans la réflexion politique. Peu importait, le Maire fut appelé à des fonctions élargies et emporta une partie de son chenil dans ses bagages. Comme quoi, en politique, plu on est ridicule et minable, plus on a de responsabilités !

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  • Achtung ! Public sensible, susceptible et fragile, qu’il faut dorloter car les profs assurent 10 à 20% de la fréquentation d’un musée. Il en existe deux sortes majeures partagées en sous-catégories classées selon le degré de névroses et psychoses obsessionnelles ancrées dans ces âmes torturées et mutilées à la fois par l’administration et, un tantinet par les élèves.

     

    Professeurs et élèves ont le privilège de bénéficier de la gratuité totale du musée pendant la période scolaire. Cela va du transport, si le Conseil général est généreux et gère des structures culturelles dont il veut masquer le déficit avec une fréquentation biaisée, à l’entrée et l’animation combinées une fois dans le musée. Les élèves profitent du lieu pour assoir des connaissances qu’ils ont normalement acquises. Les profs, eux, viennent au musée pour se décharger de leurs élèves et faire l’économie d’un cours. Cette catégorie de profs constitue environ la moitié de l’effectif enseignant que j’ai pu fréquenter. L’autre moitié est composée d’enseignants volontaires et actifs. Soyons honnête, le professionnalisme et l’implication de ces derniers ne nous intéressent pas !

     

    Avant de venir au musée, l’enseignant se renseigne pour obtenir un dossier pédagogique présentant le musée et les animations scolaires qui y sont proposées. Ce document, plus ou moins épais selon les musées, contient le descriptif de l’atelier, son déroulement, ses objectifs pédagogiques et scientifiques, un glossaire et les réponses aux questions posées aux élèves (même si le prof les connaît déjà puisqu’il les a abordées dans son cours ; cependant, par bienséance, il faut garder ces réponses systématiquement réclamées par les profs). Le dossier doit être empreint d’une rhétorique et d’un baragouinage de pédagogue si l’on veut être crédible. Ainsi, qu’est-ce qu’un objectif scientifique ? Par exemple, l’élève doit avoir compris comment et pourquoi Léonard a appliqué la technique du sfumato derrière Mona Lisa. Et un objectif pédagogique alors ? L’élève doit acquérir les outils lui permettant de différencier Mona Lisa d’une chanteuse de Rn’B ou encore savoir qu’il est mal aisé d’enfoncer son pinceau dans l’oreille de son voisin (en pédagogie « mal aisé » est plus approprié que « interdit » jugé inconvenant, voire traumatisant, pour les oreilles faussement innocentes des jeunes diables). Effectivement, cela a l’air caricatural, une fois de plus de l’auto-méticulation sous-ventrale de pédagogues zélés, mais la distinction et le détail des différents objectifs doivent être inscrits dans le dossier pédagogique, de préférence sous la forme d’un tableau !

     

    Une fois que le prof a le dossier pédagogique en main, je dis bien « en main » car il est illusoire et vain d’insister pour envoyer le document par mail, il doit réserver un bus pour transporter son petit monde. Grande aventure pour les plus fictivement farouches et réellement nonchalants, ceux qui persistent à ne pas s'émouvoir de la vie qui existe au-delà des murs de l’école. En général, c’est à vous de leur dire comment faire, voire de le faire tout bonnement. Ensuite, prenez votre mal en patience ou ayez le dos large car, puisque vous ne pouvez pas signer le bon de commande pour l’école, il faut joindre la comptable de l’établissement scolaire qui, bien sûr, n’a pas été tenue au courant du projet de sortie de M. Glandard, professeur de dessin (euuuuhh…d’arts et éveil artistique). Forcément, la comptable ne comprend pas votre intervention et vous engueule. Malgré tout, vous ne pouvez pas lui en vouloir. En revanche, à Glandard, oui.

    Enfin, le grand moment, celui de la visite. Ce jour-là, les enfants, appelés, comptés et recomptés hors et à l’intérieur du bus, doivent être à l’école dès 8 heures (voire 7h30), les parents auront signé et contresigné des autorisations à tire-larigot, voire auront eu la visite d’un avocat et d’un huissier mandatés par l’établissement scolaire pour se prémunir de tout problème (aujourd’hui je caricature, peut-être pas dans 10 ans). Les élèves arrivent au musée à l’heure prévue. Le prof a déjà capitulé durant le trajet car il sait qu’il va pouvoir se dédouaner sur le responsable du musée qui devra assurer à la fois l’animation et la surveillance de 30 gamins enragés libérés sans caution et certains d’échapper à la vigilance endormie de leur maton régulier. A l’excitation de la sortie, ajoutons une variable très sensible pour cet âge : la profusion d’hormones qui chamboulent les corps des collégiens et embaument le bus, rendant ce petit monde totalement hermétique à tout ce qui ne porte pas de string-ficelle. Mona Lisa n’a pas de string, mais Jessica oui, et Kevin l’a remarqué… On y est, les ados sont dans le musée. De son côté, rapidement et subrepticement M. Glandard, baise-en-ville en bandoulière, est sorti pour fumer sa pipe, puis attendre au café du coin en compagnie de quelques accompagnateurs avec qui il est venu. Véridique.

     

    Les mois passent. Aucune nouvelle de M. Glandard. Il ré-apparaîtra à l’accueil du musée lors de ses vacances estivales, entouré de sa famille et de ses amis. Il sera offensé, avec esclandre publique assuré, si vous lui contestez l’entrée gratuite un 1er août alors qu’il affirme être en pleine préparation de ses cours. Petite vengeance personnelle mais le calendrier est de mon côté, je nie la gratuité. En plus de cela, j’ai bien envie de simuler un spasme verbal façon Gilles-de-la-Tourette aggravé par la méthode globale pour signifier tout mon mépris. Adieu Glandard !


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