• Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!

    Plusieurs années de vie en Collectivité à espérer que l'action d'un agent ordinaire soit prise en compte et utile.... ça use ! La démarche est d'autant plus pure lorsqu'il s'agit de musées. La Fabrique à Musées ("amusée" ou "à m'user") est faite pour raconter l'histoire d'un brave gars pas méchant qui croyait en la Fonction Publique et tous ces agents entièrement dévoués à la cause du peuple. A travers la vie d'un musée, découvrez celle d'une Fonction publique engluée dans le quotidien.
  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!La fièvre « Absolument dé-bor-dée » étouffée (bravo la Bureautière!), voilà l'animateur de ce blog de retour pour évoquer quelques aspects inédits, vus de l'extérieur, des mécanismes de décision de la Fonction publique et des assemblées de z'élus de la République. Pour reprendre la main, quelques mots sur l'attribution des subventions à des associations et autres structures, une des activités habituelles pour laquelle la qualité d'un projet est égale à l'activisme lobbyiste de z'élus locaux.

    En règle générale, le demandeur dépose un dossier dans lequel sont notés les objectifs de l'opération, le calendrier de réalisation et le budget. Ces informations sont élémentaires, rarement audacieuses dans leur formulation sauf celles concernant la partie consacrée au descriptif du projet. Également, très important à savoir, le demandeur doit apporter une partie du financement, de mémoire 16% environ.

    Or, le hasard faisant bien les choses, les demandeurs de subvention ont souvent les numéros de téléphone des z'élus locaux. Et ces derniers n'oublient jamais la notion de clientélisme, pardon d'implication dans leur territoire d'élection régulièrement privilégiée aux dépens de celle de la qualité et de l'intérêt culturels du projet. Ces deux derniers concepts font surtout référence à vous à qui en général ces projets soutenus par la Collectivité doivent bénéficier directement ou indirectement.

    Un exemple précis ? L'attribution d'une subvention à une association qui souhaitait mettre sur pied un échange culturel entre son territoire d'origine et un pays étranger.

    Caractéristiques du dossier :

    • Autofinancement apporté : 0 €

    • Calendrier de réalisation : « on sait pas, dès que l'argent est donné ! »

    • Demande : 4800 €

    En quoi consiste le projet culturel du demandeur ? Partir à l'étranger pour « promouvoir l'image du territoire ». Cette promotion sera assurée lors de trois conférences matinales, d'une heure chacune, en pleine semaine dans une zone rurale à la densité n'excédant pas 30 habitants par km². Pour cela, le demandeur envisage de partir au moins deux semaines. La somme de 4800 € est donc indispensable. Les z'élus en sont convaincus et délibèrent à l'unanimité favorablement.

    Absolument illégale sur le fond, cette délibération sera transmise au contrôle de légalité de la Préfecture qui probablement n'y prêtera pas attention en raison des quantités de paperasses que ce service doit éplucher. Soyons assurés que cette subvention de 4800 € servira en transport, avion et nourriture. Rassurés. Tout comme les z'élus qui profiteront de la bienveillance de cette association et de ses membres.

    Une autre demande de subvention est soumise par une association rassemblant un nombre inconnu d'adhérents, un budget de fonctionnement tout aussi mystérieux, avec une ambition globale floue. Le projet culturel de cette association ? « Organiser la fabrication de cendriers par des personnes handicapées ». En revanche, cette association apporte la garantie que ces objets seront des « outils promotionnels du territoire» commercialisés pour son bénéfice unique. Là encore, nous sommes rassurés. J'oublie un détail, la somme demandée. Celle-ci n'est pas indiquée clairement : entre 50000 et 70000 €. Quant à l'autofinancement, il reste là aussi approximativement équivalent à zéro.

     

    Les demandeurs de subventions manient les subtilités politiques aussi bien que celle liées à la définition du mot bénéfice. Tout comme les z'élus qui brillent dans la notion d'intérêt.


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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!Imaginez une agent à la production hormonale au moins égale à celle d’un bonobo faisant étal de ses velléités à sa promise poilue, et qui régulièrement vient déployer ses mamelles sur votre bureau avec une envie évidente d’altruisme physique envers vous. Ce petit spectacle médiocre de boîte de nuit de campagne dura quelques jours sans que je n’eus à donner suite à ce type de propositions assimilables à une offre commerciale dans certains quartiers parisiens animés la nuit.

    Dans une équipe, chacun est stigmatisé par une singularité qui le caractérise quelle que soit sa nature. Nabot, idiot, alcoolique, une équipe reste incomplète sans sa nymphomane attitrée. C’était le cas de ce musée où j’officiais et qui était riche d’une agent aux appétences et compétences physiques hors du commun pour lesquelles les agents mâles fantasmaient et salivaient jusqu’à imprégner le sol d’un long sillage de salive à la mode Tex Avery. Occupés à user leurs droits en matière de longue maladie, la moitié des agents de mon équipe m’était encore inconnue quatre mois après mon arrivée dans ce sanctuaire culturel.

    Les agents présents m’avaient prévenu. Selon eux, la revenante irait tapiner en mon bureau ne pouvant résister à l’influence de ses glandes qui lui faisait perdre toute raison approximativement entre le 1er janvier et le 31 décembre.

    A son arrivée, la revenante me salua, enjouée et sincèrement heureuse de son retour. De son propre chef, elle se présenta à moi d’autorité et ferma la porte du bureau que je tenais pourtant perpétuellement ouverte à la demande de la Direction générale qui voulait éviter toute plainte éventuelle de harcèlement moral et physique de la part d’un responsable à l’endroit d’un agent. Ce jour-là, la glorieuse, ignorante de ces nouvelles méthodes de management américaines, brisa la règle et la glace en claquant la porte de mon bureau. Elle s’exposa après que je lui eus demandé ses attentes. Et ouais, dans la Fonction Publique, on est surtout sur « la prise en compte des attentes des agents afin de ne pas faire naître de frustration et entraîner une démobilisation professionnelle trop précoce» (Guide du Parfait Manager DRH dans lequel j’adore le « trop précoce » trahissant une démobilisation inévitable).

    Durant notre échange, mon érotomane me confia qu’elle avait été victime d’une épouvantable chasse aux sorcières à l’arrivée de la nouvelle équipe politique lors des dernières Municipales ce qui l’avait forcée à s’abandonner dans un arrêt longue maladie uniquement pour se protéger à l’image de réfugiés politiques birmans ou iraniens. Ce type de propos est assez commun chez ceux qui adorent se gorger d’importance. C’est aussi une façon peu subtile de souffler au directeur de service que l’agent n’est pas n’importe qui car il dispose d’appuis. De ce doux avertissement, je n’en tins pas compte. Bien au contraire, je lui demandai…. de se mettre au boulot en décrivant illico ses prochaines missions. Erreur. Insensible aux atouts de cette agent qui, systématiquement, faisait dégorger son buste devant mes yeux aussi gênés que flegmatiques, la malheureuse rechuta prétextant une fatigue psychologique rémanente.

    Passons les détails. Un soir, de retour d’un rendez-vous extérieur, les membres de mon équipe présentaient des visages cadavériques. Rapidement, ils louèrent la chance qui accompagne mon existence d’avoir évité un carnage : le fils et le mari de l’agent prompte aux offrandes de sa personne, s’étaient présentés au musée pour effectuer une opération de taxidermie sur modèle vivant. Les deux débilous étaient venus me faire une chirurgie à coups de truelle. Le lendemain, la direction générale fut prévenue de cette petite descente minable de deux loubards de cages d’escalier. Ma hiérarchie, bienveillante, me conseilla de "rédiger en toute hâte un rapport si cela venait à se reproduire pour mieux apprécier la situation d’urgence et envisager une intervention".

    Quelques semaines plus tard, l’agent revînt. Sans se démonter, exactement à l’opposé de la volonté de son fiston et de son régulier qui avaient bien l’intention de le faire avec mon buffet, elle m’avoua qu’une incompréhension regrettable avait été à l’origine de la démarche de ses deux proches.  Elle me promît que cela ne surviendrait plus. Cela n’empêcha pas le précédent maire de venir à ma rencontre pour s’enquérir d’éventuels problèmes entre elle et moi. Les soutiens dont bénéficiait l’agent étaient donc véritables. De cette rencontre spontanée avec l’ancien maire, et sans en craindre quoi que ce soit, je compris assez vite que le mari, bien que légitime, avait régressé au stade de régulier dans la vie de cette dame. Les rumeurs pouvaient donc être justifiées en grande partie.

    En politique, comme dans la fonction publique, il faut savoir se vouer aux bons seins et surtout les louer. A bon prix.

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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!

    Comment naissent les grands projets culturels en France ? Tout bonnement, grâce au choix d’une assemblée réunie pour l’occasion, le saint Jury de concours.

    Qu’est-ce qu’un jury de concours ? Généralement, une quinzaine de bons hommes (plus rarement des femmes) sont invités à donner une opinion ultime sur des propositions  architecturales que le maître d’ouvrage (la Collectivité) a commandées. Parmi tous les projets en compétition, un seul sera retenu et deviendra un musée, un centre culturel, un théâtre..etc. Mais, avant d’en arriver à cette étape ultime et décisive qui engage parfois les collectivités sur des projets chiffrés à plusieurs dizaines de millions d’euros, le maître d’ouvrage diligente une expertise des différents projets en compétition. Une Commission technique composée d’experts (paysagistes, environnementalistes, ingénieurs,…) est alors rassemblée pour analyser les offres. Sans les noter ou les classer, les experts épluchent, cisaillent, découpent chaque projet en en identifiant les points forts et faibles. Sur la base de ces travaux, la commission technique rédige une synthèse sur laquelle le Jury de concours pourra s’appuyer fortement, voire totalement pour choisir le lauréat du concours. Ce processus peut exiger plusieurs mois et des dizaines de paires d’yeux aguerris à l’exercice. Vient alors le jour du jury de concours réuni pour la seule occasion du choix final et dont les membres n'ont pas encore vu les projets en compétition.

    Ce jury de concours auquel j’ai assisté m’a permis de relativiser, voire d’effacer mes illusions quant à l’objectivité du choix des z’élus et leur engagement sincère pour le bon usage de l’argent public (et aussi quant à l'utilité de mon boulot). Aussi, après des mois d’efforts à se crever les yeux, à s’étriper, à s’arracher les viscères (et celles du voisin à l’occasion), la commission technique rendît ses conclusions pour trois projets dont le montant global était supérieur à plusieurs millions d’euros (bien plus même !). Le grand jour est là, le Jury de concours est réuni. Parmi ces gens siégeant dans ce jury, choisis sur des critères aussi subjectifs que postiches, se trouve notamment un homme que la République a appelé plusieurs fois à Paris.

    Premier moment aussi solennel que poignant, le responsable de projet récite, avec un talent d’orateur égal à celui d’un bigorneau pris de torpeur face à un bavarois en short qui va le piétiner, les conclusions de la commission technique pour chaque projet pendant que les quinze sages docilement posés sur leurs chaises entament leur premier cycle de sommeil. Après près de deux heures de dissertation verbale abrutissante, le jury est invité à se lever pour observer de près les panneaux résumant chaque projet. Inutile d’aller plus loin dans le détail de la situation : tous ces jurés assiéront leurs jugements définitifs sur une image anodine, un simple visuel, une vue d’artiste résumant les projets respectifs. D’ailleurs, aucun n’a pris le soin d’ouvrir le rapport qui se trouvait sur leurs tables.

    Après quinze minutes de déambulation, tout le monde regagne sa place, mettant fin à des conversations axées sur les dimensions du coffre de la dernière Laguna Renault ou encore celles du bas de caisse de la jeune serveuse du resto de midi. Dans un silence de cathédrale uniquement dû aux mécanismes de la digestion, chacun est appelé à livrer son choix en argumentant si l’envie est là (« sinon, pas la peine, c’est pas obligatoire ! » indique le Président du Jury). Vient le tour de Notre Haut Z’élu, jusque-là silencieux, qui fait un sort à l’un des projets, pourtant probablement le meilleur. J’eus la chance d’apercevoir l’argument imparable rédigé sur un bout de feuille blanche par ce personnage pourtant respecté nationalement. Nous avions trimé pendant deux mois pour recevoir, au bout du compte, un uppercut de haute volée intellectuelle honorant notre travail : « Trop ver, j’aime pas ! ». La faute d’orthographe était dans le texte, l’argument pas plus développé que cela. Et voici comment, la collectivité s’engagea sur un projet bancal après avoir écarté probablement le meilleur qui fut présenté par des architectes et vraisemblablement le plus sûr pour le porte-monnaie de tous.

    Peu de temps après, dans un restaurant, j’entendis un enfant de 8 ans répliquer à sa maman qui voulait lui faire avaler des épinards : « Trop sales, j’aime pas ! ». Les z’élus sont de grands enfants.

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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!Une équipe est l’addition de personnalités souvent différentes, voire uniques, et même carrément très singulières. Et recruter un nouvel agent est un exercice délicat, surtout lorsque le nouveau crie à qui veut l’entendre, que la collectivité a retrouvé le bon chemin depuis qu’il est arrivé. Dieu est donc dorénavant dans un bureau proche du mien. Ne plus prêter attention à ses inepties est un réflexe, à l’instar du tic-tac au début agaçant que produit une comtoise à laquelle on ne prête plus attention au fil des jours.

    Notre messie, ingénieur en techniques de construction, a deux grandes qualités qu’il cultive : l’omniscience et l’omnipotence. Lui-même se qualifie comme un autodidacte et en retire une fierté incommensurable dès qu’il veut briller, soit approximativement tout le temps. Exister à côté d’un élément aussi indispensable à notre humanité est un privilège que je mesure en profitant des paroles que ce dieu vivant de la connerie prodigue avec générosité. Donc, voici quelques citations notées depuis l’arrivée de cette personnalité insolite.

     

    Sérieux

    « Faut pas m’prendre pour un lapin de garenne de six semaines ! »

     

    Obsédé

    « Cette étude importante, c’est le prépuce du projet. »

     

    Philosophe

    « Les années 2000, c’est la starification à outrance où tout le monde veut être star. Moi, mon dicton c’est de vivre heureux, vivre caché » assène-t-il au milieu d’un groupe constitué de 20 personnes qui l’écoutent ou le subissent lors d’un monologue de 10 mn.

     

    Géographe sûr de lui

    « Moi, l’Afrique, je connais. Je vais souvent au Sénégal ! »

     

    Lui-même

    « Dans la culture, moi j’connais, y’a que des homos ! ».


    YMCA

    « Personne me la met. J’suis du bâtiment ! ».

     

    D’autres maximes de cet ingénieur-philosophe en techniques de construction viendront dans les prochaines semaines. Peut-être même dès lundi matin. La joie m’envahit.

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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!

    Les projets, les beaux projets flamboyants que les z’élus désirent sans avoir le courage, encore moins l’honnêteté, de les défendre face à leurs électeurs, vous en connaissez très probablement. D’ailleurs, la plupart des musées naissent de ces lubies quotidiennes et vaniteuses auxquels ces barons locaux veulent suspendre leurs noms sans jamais se frotter aux vraies gens lors de réunions publiques.

     

    On veut un projet culturel. Alors il faut une équipe. Certainement pas des gens délogés dans les services administratifs de la Collectivité où toutes ces compétences profitent des 35 heures cumulées collectivement sur un mois. Donc, on fait un appel à candidatures car il faut des personnes motivées. De plus en plus souvent, on passe par un cabinet de recrutement aux méthodes américaines, donc crédibles. Dans le cas qui nous intéresse, les z’élus souhaitaient recruter un directeur de projet pour un musée au budget estimé à quelques millions d’euros. Le profil requis était subtilement mais fermement décrit dans un cahier des charges ordinaire pour ce type de poste. On y lisait notamment :

    -         Expérience exigée dans la conduite de projets similaires

    -         Anglais indispensable

    -         Connaissance du fonctionnement des Collectivités

    Assurément, il était inenvisageable que le piston fonctionnât une nouvelle fois. Un tel projet dont toute la France allait entendre parler ne pouvait, cette fois-là, ne pas être conduit par une personnes réellement compétente.

     

    Plusieurs candidats respectaient ces critères. Sans surprise, le lauréat ne fut absolument pas bilingue (il fait même appel à un interprète), n’a jamais entendu parler des Collectivités (à son arrivée il pensait que le mot « délibération » était un journal satirique du vrai quotidien Libération) et bien sûr, avant d’intégrer la prestigieuse FTP, il gérait une centrale de réservations pour Bataves. Quel fut donc l’argument qui permit aux recruteurs américains du Boulevard Saint-Germain de retenir cette candidature évidente : le tutoiement du Président de la Collectivité et d’autres amitiés entretenues pour la circonstance.

     

    Aujourd’hui, ce directeur de projet a toujours une vision très limitée du mot culture en en  retenant que la première syllabe. Pour chaque réunion importante qui nécessite un retour critique, ces critères d’intérêt se quantifient au nombre de filles de moins de 25 ans présentes autour de la table et bien sûr à la qualité des compétences qu’elles possèdent sous leurs pulls. Et surtout, en bon connaisseur des usages politiques et de leurs cabinets, les notes demandées aux collaborateurs sont systématiquement amputées des signatures des vrais auteurs pour ajouter la sienne.

    Le discrédit que ce lauréat opportun porte au projet devient problématique. Autant charismatique qu’un flétan qui fait du vélo, ce directeur de projet, classé 7ème Dan en léchage de pompes et incompétence, parvient dorénavant à se masturber le bulbe devant la réussite de l’équipe qu’il a fallut constituer pour suppléer à son inaction et son incapacité quotidienne à décider. Il résume son ambition en répétant : « Je veux être celui qui a fait sortir le musée de terre ». Un petit conseil de non-ami en dépit de ce que tu penses : par la même occasion, profite pour déterrer ton intelligence et lui faire prendre l’air !

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  •  Pour ceux qui mènent les visites de leurs expositions, je ne parle pas des conservateurs en chef pour qui se mêler aux crotteux et galeux et partager quelques connaissances est une incongruité sociale indigne voire une faute professionnelle laissée aux humbles animateurs et médiateurs, donc pour ceux qui assurent les visites de leurs expos, il a bien dû leur arriver de constater l'hétérogénéité d'un groupe de visiteurs et la rémanence façon Star'Ac de certains personnages.

    Dans l'univers feutré des musées, lorsque l'on évoque un groupe, on pense immédiatement aux retraités en goguette que les tours opérateurs traitent comme des troupeaux transhumants ensorcelés par la promesse de buffets gastronomiques à volonté alternés avec des visites d'ateliers artisanaux de fabrication de sabot. Durant le séjour touristique, au moins deux musées doivent apparaître mais point trop n'en faut et surtout, pas trop longtemps (une heure maximum). Ainsi, lorsqu'un tour opérateur évalue un musée pour l'insérer dans l'itinéraire de sa transhumance, il ne s'émeut pas de la thématique mais insiste sur des critères fonctionnels propres à sa clientèle :

    - la distance entre l'arrêt de bus et l'entrée du musée pour prévenir la fatigue des déambulateurs

    - l'existence de toilettes aménagées pour les vessies très vulnérables de ses clients parfois incontinents (mais pas toujours !)

    - la quantité de sièges dans l'exposition pour les séants moelleux de Raymonde et Robert

    - la possibilité de trouver un restaurant à proximité du musée (avec buffet à volonté pour les retraités gloutons).

    En général, la personne qui représente le tour opérateur tient aussi le rôle le guide et vient s'assurer que le musée rassemble tous ces critères de confort pour les prostates sensibles. Vous lui proposez un guidage de l'exposition ? Idée absurde et licencieuse puisque c'est lui qui conduira la visite. C'est une charge de moins dans le coût global de la visite et peu importe la qualité et la justesse des propos de cette personne autopromue experte, les retraités des Charbonnages de France n'y verront que du feu et ne pourront poser aucune question à cause du minutage très serré. Je pourrai revenir dans une prochaine contribution sur les tours opérateurs, leurs méthodes et leur morgue pour leur bétail.

    Un groupe de visiteurs (environ 25/30 personnes) est hétéroclite avec quelques profils que l'on retrouve régulièrement. La majeure partie est composée de personnes modérément intéressées, débarquant dans le musée par hasard avec cependant l'espoir, ou le doute, d'y être  captivées. Au bout de quelques minutes, plus de la moitié d'entre-elles acquiert la certitude que leur concentration ne restera pas envoûtée par les paroles du guide. Aussi, ces visiteurs gardent leurs yeux vitreux hypnotisés braqués sur l'accompagnateur alors que les paupières deviennent lourdes, très lourdes. En revanche, la moitié inférieure du visage s'anime de  spasmes qui trahissent des bâillements souvent mal ou absolument pas étouffés. Petit à petit, ces gens désertent le groupe et vont retrouver les copains restés plantés à l'entrée pour discuter de la frugalité honteuse du repas de la veille.

    Un groupe possède toujours son amuseur, celui qui suppose pertinent de lancer un « poil au nez » alors que l'on souhaite la « bienvenue dans le musée » et qui pouffe façon Philippe Bouvard lorsque le guide, en fin de parcours, espère que la visite a plu. Ce personnage n'est jamais vindicatif, paradoxalement reste même sympathique car, le plus souvent, il respecte  le travail du guide.

    Le deuxième personnage est le grognon, légèrement misanthrope, voire guidophobe. C'est sa femme qui l'a forcé à participer au voyage organisé. Il décide de faire payer sa présence contrainte au guide en marmonnant ou en ricanant des informations qu'il entend et qu'il juge systématiquement idiotes et dérisoires. En revanche, il n'intervient jamais publiquement, préférant la lâcheté comme rempart contre toute réprimande polie du guide.

    Et puis, il y a celui-qui-sait-tout, ou plutôt qui a la certitude de savoir mais dont les semonces tombent souvent à plat. Celui-ci regarde chaque jour Questions pour un Champion ou Qui veut gagner des Millions. Devant son téléviseur, il passe toutes les étapes avec succès, est millionnaire tous les soirs sans  toujours recourir à un ami ou au 50/50. Enhardi par ses résultats audiovisuels, la télé lui accorde la conviction d'être une sommité. Néanmoins, ses interventions fondent comme bouse au soleil car hors-sujet ; en revanche, il gardera toute son autorité auprès de ses copains de voyage assurés que le guide s'est fourvoyé et qu'il n'a pas osé l'avouer devant tant de connaissances encyclopédiques labélisées par Julien Lepers.

    Enfin, le dernier personnage, le plus discret de tous, est celui qui sait vraiment, celui qui a LA question imparable ou la remarque ultra-pertinente qu'il cultive innocemment dans son mutisme depuis le début de la visite sans être conscient qu'il va poser une colle qui renverra le guide à ses études. Ce personnage sait aussi bien que vous, voire mieux. Aucune amertume contre le guide chez ce visiteur pourtant rempli de regrets. Il n'a pu profiter d'une éducation comme la nôtre, a dû travailler rapidement et très jeune. Aujourd'hui, sans parler de revanche, il se construit une culture bien plus éminente et moins classique que celle d'un conservateur en chef.

    Très modeste, ce personnage vient discuter presque toujours en fin de parcours...... à condition que le responsable du groupe n'ait pas sifflé le rassemblement du troupeau pour la visite de l'atelier du dernier sabotier de France ou bien le concours cantonal de labours.

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  • Les Musées, les agents, la Collectivité, les élus... la vie ordinaire !!Dans une collectivité, quelle qu'elle soit, les commissions rassemblant techniciens et z'élus  sont destinées à générer une réflexion qui aboutira à des propositions qui, éventuellement, si elles ont retenu l'attention d'autres z'élus lors d'un bureau politique ou d'un Conseil municipal en toute fin d'ordre du jour, aboutiront à des actions. Donc, on peut dire que les réunions de la Commission Culture, puisqu'il s'agit de celle-ci, sont complètement illusoires et inutiles à l'instar de la moitié des réunions dans la Fonction Publique Territoriale (je n'évoque pas les deux autres fonctions publiques que je ne connais pas, bien que des indices et mon instinct m'incitent à penser que....). La raison de cette inutilité réside dans la psychologie des z'élus du Conseil, ici municipal, qui considèreront d'un mauvais œil le constat et les propositions des membres de cette commission accusés d'élitisme : ils ne lui font pas confiance et pensent toujours être mieux à même de savoir précisément ce que réclame et ce dont a besoin le bon peuple.

    Parmi les nombreuses réunions de cette commission auxquelles j'ai pris part, je me souviens de l'une d'elle symptomatique des échanges prolixes et nombrilistes entre cadres culturels : directeur du théâtre municipal, directeur de l'école de musique et directeurs des musées, tout ce gotha encadré par l'adjoint à la culture. J'ai oublié de citer le directeur des archives municipales dont personne ne voulait dans sa commission. Inclassable, il était donc là par défaut, toléré car considéré comme ne faisant pas partie intrinsèquement du monde culturel ; il devait se garder d'intervenir au risque d'être éludé. Ses demandes se limitaient à quelques cartons innocents et étagères de rangement supplémentaires. Ses prétentions budgétaires étaient donc circonscrites et ne constituaient pas un danger pour les budgets des autres cadres présents. D'où la tolérance physique à son égard.

    L'adjoint à la culture (acteur dans la même troupe de comédiens que son ami directeur du théâtre) : « Faisons un pré-bilan de l'offre culturelle de la collectivité et de la participation des électeurs citoyens ».

    Le directeur du théâtre pensant que cette demande lui était naturellement et de droit destinée, s'accaparre la parole et ignore les autres : « La saison est terminée. Et quel succès populaire ! Le partage, la conscience de l'autre, l'empathie ont été les valeurs humaines de notre programmation. De ce fait, cette année, nous avons eu une troupe magnifique de comédiens bosniaques en résidence[1]. Leur création, intitulée très sobrement « La mort », rappelait le drame de ce territoire et la volonté de ce peuple à renaître. Création artistique minimaliste jouée en espéranto, les comédiens étaient nus pour exhiber l'indigence des Bosniaques pendant cette période de drame et d'incompréhension entre ce peuple et le reste du monde ».

    L'adjoint à la culture : « Création très forte bien que je n'y tîns qu'un petit rôle.... ».

    Ma pomme : « Personnellement, je n'ai rien compris ».

    Le directeur du théâtre s'exclamant : « Parfait, mais c'est justement ça l'incompréhension entre les Bosniaques et nous !! »

    Puis il reprend : « Ensuite,  nous avons eu un collectif rwandais relatant le génocide. Peuple très pauvre, les comédiens manifestaient leur désapprobation face aux multinationales, soutenues par des états riches, et venues pour nettoyer le sous-sol africain de ses richesses. Pour cela, les comédiens étaient nus afin de protester contre l'appauvrissement de l'Afrique ».

    L'adjoint à la culture : « Puissant, prenant, asphyxiant ».

    Le directeur du théâtre : « Enfin, le troisième et ultime spectacle de la saison, plus optimiste, mettait en scène la tragédie arménienne. Fort heureusement, l'histoire se termine bien si je puis dire puisque l'Assemblée nationale française a reconnu le génocide...... (rires bouffis et complices du directeur du théâtre et de l'adjoint). Bien sûr, c'était nécessaire, la nudité des comédiens était inévitable pour établir la pauvreté de ce peuple au début du XXème siècle.
    Grâce à cette programmation, la fréquentation du théâtre est en hausse. En moyenne, nous avons eu une centaine de spectateurs, soit un taux de remplissage à peine inférieur à 30 %. Pour la saison suivante, je vais être contraint de demander une augmentation du budget si l'on veut conserver une programmation aussi dynamique et ambitieuse d'un point de vue culturel. Vous admettrez tous que j'ai besoin de me déplacer pour rencontrer ces compagnies et assister à leurs spectacles avant de prendre le risque de les programmer........ ».

    Devant cette demande aussi évidente que malhonnête, cette fois-ci d'un point de vue moral et intellectuel, aucun d'entre nous n'est intervenu, surtout pas l'adjoint à la culture. Par principe, ce dernier était d'accord avec son ami. Quant aux autres, nous savions tous qu'il était dérisoire d'argumenter contre ; le Conseil municipal perdrait quelques membres à la suite d'attaques cérébrales et étouffements dus à l'ingurgitation de dentiers à la simple écoute de cette demande de théâtreux assoiffés de culture élito-exhibo-porno-bobo.

    Voici donc ce qu'est une Commission Culture. On se congratule, on se masturbe de ses succès alors que le directeur des archives municipales devra encore attendre le budget suivant pour obtenir ses cartons. Et, lorsque personne n'a rien à dire, on se désespère de la sincérité et de la motivation de la  demande culturelle, de la soif, du besoin d'art « des gens ». Tout cela se termine dans un accablement collectif du directeur du théâtre et de l'adjoint qui concluent sur l'urgence vitale de programmer une prochaine pièce sur la crise identitaire des Mongols vivant dans les bidonvilles d'Oulan-Bator et versant dans l'alcoolisme. Condition sociale et économique miséreuses, perte de repères culturels, les comédiens seront donc à poils pour figurer  l'égarement d'un peuple qui a tout perdu, même ses frusques !



    [1] La résidence n'est pas une villégiature, mais peut raisonnablement être considérée comme un squatte honorable voulu par les z'élus de la commune. En contrepartie, la troupe de théâtre invitée devra produire un spectacle nouveau joué gratuitement pour le public local. Le jour venu, docteurs, avocats, z'élus, constitueront la majeure partie du peuple présent. Entrées sur invitation exclusivement. Quelques tolérances seront néanmoins accordées aux crotteux et galleux, vrais amateurs de théâtre, qui se seront manifestés timidement et seront venus en vieille Mégane pourave juste après les commissions hebdomadaires chez Carrechour. Désolé pour ce relent bileux de lutte des classes, mais ceux-là seront en haut, derrière un poteau malgré leur amour du théâtre et viendront sans le calcul fielleux de ménager leurs relations en recourant au baise-main et lêche-b... sur la personne du Maire.


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  •  Sans le savoir, vous avez tous une idée précise de la production du Service Communication de votre collectivité. Chaque mois, grâce à votre pognon, votre boîte aux lettres en avale par kilos avant que la poubelle ne les digère. Le Service Communication est cette agrégation disparate d'agents, mêlant uniformément des personnes aux profils de geeks paumés (généralement au grade d'agents administratifs) dans une collectivité, par défaut d'avoir dégotté un poste dans une vraie boîte d'info et, d'un autre côté, des agents standard, régulièrement douchés, arrosés de sent-bon à la lavande, enveloppés dans des chemisettes défripées chromatiquement improbables et qui eux n'ont pas passé leur nuit sur Fight Big Fucker World XII. 

    En quoi consiste le boulot du Service Communication ? A faire en sorte d'assurer de laisser  apparaître la tronche du seigneur local sur chaque page, le bas du visage toujours balafré du même sourire mécanique aussi idiot que faux de type balkaniesque. En sus des images, il ne faut surtout pas omettre l'édito de Sa Majesté entièrement rédigé par un inutile du Cabinet. Voici la première cause de l'existence du Service Communication. C'est bien pour cette unique raison que le directeur de ce service est systématiquement un ami du pouvoir en place ou, au moins, un sympathisant fidèle dont on est sûr qu'il n'osera laisser passer aucune affreuseté politiquement diffamatoire, donc vraie, du genre : « Le Maire a été mis en examen » ou encore « La Cour des Comptes épluche les bilans de la collectivité ». Surtout pas. En revanche, il faut écrire en gras que « Monsieur le Maire a inauguré la déchèterie dotée de containers à compost king size», « Monsieur le Maire a remis le premier prix de Miss Comice agricole à Ginette Trocon», « Monsieur le Maire félicite la petite Aurélie Couillard pour ses résultats lors de la dictée intercommunale »...etc.

    Le Service Communication se distingue par la qualité de sa production graphique. Vous souvenez-vous des affiches anti-tabac orangées avec, en leur centre, un éléphant vu de profil en train de fumer, et qui décoraient les murs des salles d'attente de la Sécurité sociale en 1978 ? En voici un bel exemple contemporain. Le Service Communication a environ 30 ans de retard en matière de création. Pourquoi ? Parce que le Cabinet du Maire doit valider chaque production graphique et que l'on connait la pertinence des jugements esthétiques de ces éminences latrinesques sorties de Science Pot.

    Chaque fois que j'eus à faire au Service Communication, je fus surpris par l'amoncellement de talents volontairement étouffés chez les créatifs et par le zèle que déployait le directeur du service à se pâmer devant ses dernières affiches dignes de celles de la propagande chinoise vantant les actions du Parti.

    Sur l'une des affiches que j'avais demandées pour une exposition, la maison du Maire était fortuitement visible, perdue au milieu de dizaines d'autres certes, mais reconnaissable en raison de ses dimensions et du confort hollywoodiens d'apparence. Aucune prise de risque de la part du directeur craintif devant les hyènes dressées du Cabinet, la bâtisse fut « photoshopée » et gommée grâce à un pansement informatique. Quelle était la raison de cet effacement ? Surtout ne pas prêter le flanc à l'opposition politique communale suspectée d'être  possiblement prompte à utiliser cette affiche pour dénoncer la présence étouffante du Maire dans les médias locaux. Pour le coup, le zèle était partagé mais il ne fallait prendre aucun risque. Une fois finalisée (c'est-à-dire, la maison effacée), l'affiche fut validée par un mignon du Cabinet. Des dizaines d'exemplaires de cette affiche recouvraient alors les murs de la commune. Cependant, le montage était si mal accompli que des citoyens l'ont vite remarqué et se sont interrogé sur le défaut graphique de l'affiche. Chacun avait reconnu une vue de la commune et identifié l'élément manquant. Ce fut un point de discussion et de moquerie fameux contre le Maire.

    En un mot, bravo pour la qualité du travail graphique du Service Communication et félicitations aux chiottards pour la pertinence de leur vision politique. Gouverner c'est prévoir pense-t-on habituellement. Pourtant, là aussi, le facteur « Ridicule » n'avait pas été suffisamment considéré dans la réflexion politique. Peu importait, le Maire fut appelé à des fonctions élargies et emporta une partie de son chenil dans ses bagages. Comme quoi, en politique, plu on est ridicule et minable, plus on a de responsabilités !

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  • Achtung ! Public sensible, susceptible et fragile, qu’il faut dorloter car les profs assurent 10 à 20% de la fréquentation d’un musée. Il en existe deux sortes majeures partagées en sous-catégories classées selon le degré de névroses et psychoses obsessionnelles ancrées dans ces âmes torturées et mutilées à la fois par l’administration et, un tantinet par les élèves.

     

    Professeurs et élèves ont le privilège de bénéficier de la gratuité totale du musée pendant la période scolaire. Cela va du transport, si le Conseil général est généreux et gère des structures culturelles dont il veut masquer le déficit avec une fréquentation biaisée, à l’entrée et l’animation combinées une fois dans le musée. Les élèves profitent du lieu pour assoir des connaissances qu’ils ont normalement acquises. Les profs, eux, viennent au musée pour se décharger de leurs élèves et faire l’économie d’un cours. Cette catégorie de profs constitue environ la moitié de l’effectif enseignant que j’ai pu fréquenter. L’autre moitié est composée d’enseignants volontaires et actifs. Soyons honnête, le professionnalisme et l’implication de ces derniers ne nous intéressent pas !

     

    Avant de venir au musée, l’enseignant se renseigne pour obtenir un dossier pédagogique présentant le musée et les animations scolaires qui y sont proposées. Ce document, plus ou moins épais selon les musées, contient le descriptif de l’atelier, son déroulement, ses objectifs pédagogiques et scientifiques, un glossaire et les réponses aux questions posées aux élèves (même si le prof les connaît déjà puisqu’il les a abordées dans son cours ; cependant, par bienséance, il faut garder ces réponses systématiquement réclamées par les profs). Le dossier doit être empreint d’une rhétorique et d’un baragouinage de pédagogue si l’on veut être crédible. Ainsi, qu’est-ce qu’un objectif scientifique ? Par exemple, l’élève doit avoir compris comment et pourquoi Léonard a appliqué la technique du sfumato derrière Mona Lisa. Et un objectif pédagogique alors ? L’élève doit acquérir les outils lui permettant de différencier Mona Lisa d’une chanteuse de Rn’B ou encore savoir qu’il est mal aisé d’enfoncer son pinceau dans l’oreille de son voisin (en pédagogie « mal aisé » est plus approprié que « interdit » jugé inconvenant, voire traumatisant, pour les oreilles faussement innocentes des jeunes diables). Effectivement, cela a l’air caricatural, une fois de plus de l’auto-méticulation sous-ventrale de pédagogues zélés, mais la distinction et le détail des différents objectifs doivent être inscrits dans le dossier pédagogique, de préférence sous la forme d’un tableau !

     

    Une fois que le prof a le dossier pédagogique en main, je dis bien « en main » car il est illusoire et vain d’insister pour envoyer le document par mail, il doit réserver un bus pour transporter son petit monde. Grande aventure pour les plus fictivement farouches et réellement nonchalants, ceux qui persistent à ne pas s'émouvoir de la vie qui existe au-delà des murs de l’école. En général, c’est à vous de leur dire comment faire, voire de le faire tout bonnement. Ensuite, prenez votre mal en patience ou ayez le dos large car, puisque vous ne pouvez pas signer le bon de commande pour l’école, il faut joindre la comptable de l’établissement scolaire qui, bien sûr, n’a pas été tenue au courant du projet de sortie de M. Glandard, professeur de dessin (euuuuhh…d’arts et éveil artistique). Forcément, la comptable ne comprend pas votre intervention et vous engueule. Malgré tout, vous ne pouvez pas lui en vouloir. En revanche, à Glandard, oui.

    Enfin, le grand moment, celui de la visite. Ce jour-là, les enfants, appelés, comptés et recomptés hors et à l’intérieur du bus, doivent être à l’école dès 8 heures (voire 7h30), les parents auront signé et contresigné des autorisations à tire-larigot, voire auront eu la visite d’un avocat et d’un huissier mandatés par l’établissement scolaire pour se prémunir de tout problème (aujourd’hui je caricature, peut-être pas dans 10 ans). Les élèves arrivent au musée à l’heure prévue. Le prof a déjà capitulé durant le trajet car il sait qu’il va pouvoir se dédouaner sur le responsable du musée qui devra assurer à la fois l’animation et la surveillance de 30 gamins enragés libérés sans caution et certains d’échapper à la vigilance endormie de leur maton régulier. A l’excitation de la sortie, ajoutons une variable très sensible pour cet âge : la profusion d’hormones qui chamboulent les corps des collégiens et embaument le bus, rendant ce petit monde totalement hermétique à tout ce qui ne porte pas de string-ficelle. Mona Lisa n’a pas de string, mais Jessica oui, et Kevin l’a remarqué… On y est, les ados sont dans le musée. De son côté, rapidement et subrepticement M. Glandard, baise-en-ville en bandoulière, est sorti pour fumer sa pipe, puis attendre au café du coin en compagnie de quelques accompagnateurs avec qui il est venu. Véridique.

     

    Les mois passent. Aucune nouvelle de M. Glandard. Il ré-apparaîtra à l’accueil du musée lors de ses vacances estivales, entouré de sa famille et de ses amis. Il sera offensé, avec esclandre publique assuré, si vous lui contestez l’entrée gratuite un 1er août alors qu’il affirme être en pleine préparation de ses cours. Petite vengeance personnelle mais le calendrier est de mon côté, je nie la gratuité. En plus de cela, j’ai bien envie de simuler un spasme verbal façon Gilles-de-la-Tourette aggravé par la méthode globale pour signifier tout mon mépris. Adieu Glandard !


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  •  Chaque élu veut son joyau, cet héritage qu’il laissera et qui permettra à ses petits-enfants de se pâmer au crépuscule devant la salle des fêtes affublée du patronyme de leur aïeul. Ainsi, selon son envergure nationale ou communale, l’élu aura soit un musée en bord de Seine ou bien un lavoir baigné par la Coqueluchonne.

    Quelle joie de se retrouver parmi un parterre d’élus pour un entretien d’embauche dont l’enjeu est juste l’avenir d’un projet culturel d’une valeur d’à peine 10 millions d’euros et pour lequel tous s’imaginent qu’il va attirer à coup sûr 100.000 touristes en dépit, à la fois de l’inexistence d’hôtels alentours, de la première grande ville située à 50 km et de l'absence de goudron sur la voie d’accès. Car c’est comme cela que les élus réfléchissent ; leur pensée se fonde sur l’investissement pour imaginer le succès proportionnel et certain de leur futur musée et non du travail préliminaire à exécuter. 

    Ainsi, quelle jubilation de les voir de concert s’aérer les gosiers tels des poissons abêtis d’avoir été pêchés lorsque le candidat demande, par exemple, s’ils ont déjà songé et commencé à communiquer sur leur bébé musée mal né. 

    Extraits de l’entretien d’embauche dont je fus témoin amusé.

    Le Président du Conseil général : « La commercialisation, ce sera le boulot du directeur ! »
    Le candidat : « Et vous voulez ouvrir dans six mois alors qu’il n’y a que les cloisons, même pas de toit…… ???? »
    Le Président du Conseil général : « Absolument et il faut équilibrer le budget dès la première année, impérativement»
    Le Président de la Communauté de Communes (vermoulu dans ses 80 ans) : « Vous habiterez où ? »
    Le candidat : « Est-ce que cela a une influence sur l’efficacité professionnelle du futur directeur ? »
    La chef du patrimoine du Conseil général (à l'ouest, cultureuse, loin du vrai monde et pour qui évoquer l’argent, c’est sale, caca-boudin, pas beau !) : « Que comptez-vous faire pour les scolaires ? »
    Le candidat : « Mettre en place des animations en concertation avec le Rectorat mais aussi surtout innover dans le contenu et la forme de la médiation culturelle».
    Il y a des mots qu’il faut absolument replacer dans un entretien comme concertation, coordination, pilotage…etc. 
    Le candidat s’adressant à la chef du patrimoine : « Mais, si vous me permettez, M. le Président évoquait à l’instant l’équilibre budgétaire mais comment faire lorsque 20% de la fréquentation du site seront assurés par des scolaires dispensés de paiement d’entrée et pour lesquels il y aura forcément des dépenses d'animation notamment ? »
    Le Président du Conseil général (étonné par la pertinence et l'évidence de la question, bloqué dans sa réponse) : « ……………………. ? »
    La chef du patrimoine (qui n’a pas compris la question) : « ………………………….. ? »
    Le Président de la Communauté de Communes (qui n’a pas compris la réponse) : « Vous habiterez où ? »
    Le Président du conseil général : « Vous êtes pris, que faites-vous quand vous arrivez le premier matin ? »
    Le candidat (ne sachant que répondre face à ce désert intellectuel qui gît dans la question) : « Eh bien… je consulte le projet scientifique et culturel que vos services ont dû rédiger et qui sert de plate-forme au projet….. normalement ! ».
    Le Président du conseil général : « Que pensez-vous des partenariats ? »
    Le candidat (de plus en plus déconfit face à la portée des questions) : « Pour se développer, un musée doit compter sur ses voisins. Or, votre région compte de nombreux sites à renommée nationale avec lesquels des liens thématiques et touristiques pourraient être tissés ». Plus banale comme réponse, y’avait pas ! Mais la question était indigne. 

    Tout l’entretien, qui a duré une demi-heure montre-en-main, fut de cet acabit, révélant que les élus ne connaissaient pas leur sujet, n’avaient aucune idée de leur projet de développement, ni d’ailleurs n’avaient déjà posé un orteil dans un musée. La seule chose dont ils étaient conscients était la somme de dix millions d’euros engagée et de l'équilibre budgétaire oppressant.

    Inutile d’étayer une conclusion évidente. L’opération devait assurer le prestige des élus locaux et leur promettre une photo dans le canard départemental, prise par une correspondante locale lors de l’inauguration. 

    Tout ça pour une seule photo à dix millions d’euros. Comme pour les jumelles de Brad Pitt et Angélina Joli sauf que là au moins, il y avait deux photos pour la même somme ! 


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